Le ronghua reprend des couleurs

2022-08-04

Lors des cérémonies de remise des prix aux Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Beijing 2022, les bouquets donnés aux athlètes avec les médailles ont attiré l’attention en exposant au monde entier une belle carte de visite du patrimoine culturel immatériel chinois.

Les bouquets étaient faits de fleurs tricotées, soulignant les caractéristiques distinctives des sports d’hiver tout en symbolisant la chaleur et la paix. Par nature « éternels », ils ont été surnommés les « fleurs olympiques qui ne fanent jamais ». Chaque bouquet était composé de six types de fleurs et plantes : la rose, la rose de Chine, le muguet, l’hortensia, le laurier et les rameaux d’olivier, ces végétaux représentant respectivement l’amitié, la persévérance, le bonheur, l’unité, la victoire et la paix. Lors des Jeux paralympiques, une autre fleur, un cosmos bleu, a été ajoutée en tant qu’emblème de la force.

Ces ravissants bouquets ont été tricotés à la main avec du fil de laine. La technique utilisée pour confectionner ces fleurs, dont le nom chinois est ronghua, fait partie du patrimoine culturel immatériel de la Chine. Le processus de fabrication des bouquets, complexe, a nécessité la collaboration de centaines d’artisans et de dizaines d’artisans handicapés. La participation de ces derniers traduisait justement leur esprit de persévérance.

Une longue histoire

L’art de fabriquer des ronghua a une longue histoire en Chine. Selon les archives historiques, pendant la dynastie des Tang (618-907) la conception de ces ornements était déjà raffinée. En plus de leur apparence somptueuse, le mot « ronghua » est homophone de bonne fortune et richesse en chinois. C’est pourquoi, à l’époque, différents types de ronghua ont fait leur entrée à la cour impériale et étaient connus sous le nom de « fleurs de palais ». Progressivement, la mode des ronghua a gagné toute la population et cette technique de fabrication s’est répandue chez les artisans. Par exemple, à Yangzhou dans le sud-est de la Chine, les gens portaient des ronghua quel que soit leur statut social.

L’évolution des ronghua est étroitement liée au développement de la technologie textile, de l’artisanat et des goûts esthétiques en Chine. Le processus de fabrication peut sembler simple, mais il est en fait très compliqué. La plupart des ronghua ont une structure en fil de cuivre et sont ensuite tressés à partir de soie de mûrier. Trente étapes sont nécessaires pour obtenir le produit fini. Au cours de sa longue histoire, les techniques ont évolué et ont ainsi formé plusieurs courants dans différentes régions de Chine, telles que les ronghua de Nanjing, de Yangzhou et de Beijing, avec des caractéristiques culturelles locales différentes. Historiquement, les ronghua de Nanjing étaient considérés comme étant de meilleure qualité.

Les ronghua occupaient également une place unique dans la littérature chinoise. Le poète célèbre de la dynastie des Tang, Li Bai, en a fait un poème dans lequel il décrit la vie luxueuse au palais impérial. Dans Le Rêve dans le Pavillon rouge (écrit entre 1736 et 1765, sous la dynastie des Qing), l’un des Quatre livres extraordinaires de la littérature chinoise, on trouve également de nombreuses références aux ronghua, qui ont été utilisées pour décrire la beauté des filles et des femmes et leur vie prospère.

L’aspect vivant des ronghua provient non seulement de leur attrait esthétique, mais aussi du savoir-faire artisanal qu’ils nécessitent et du folklore qui les entoure. Au fil des siècles, malgré les progrès technologiques et la diversification de cet artisanat, les ronghua ont été intégrés à la tradition culturelle chinoise et ont toujours joué un rôle important dans la vie quotidienne du peuple.

L’intégration au folklore chinois

À l’époque de la dynastie des Song (960-1279), les rong-hua étaient principalement fabriqués pour agrémenter des coiffures ou pour la décoration, et étaient largement appréciés par les riches. La demande pour cet accessoire était très élevée, ce qui a contribué à la prospérité de son industrie dans la société. Pendant la dynastie des Qing, cet artisanat était à son apogée, avec plusieurs centres de production et de vente dans l’ancienne ville de Beijing et dans le sud-est de la Chine. Selon la légende, durant le règne de Kangxi (1662-1722) de la dynastie des Qing, il y avait plus de mille boutiques de ronghua dans le quartier commerçant à l’extérieur de Chongwenmen à Beijing. Les compétences du peuple en ce qui concerne la production de ronghua étaient incroyables et les produits étaient souvent de haute qualité. Par conséquent, malgré l’existence d’ateliers au sein du palais impérial, les concubines de l’empereur aimaient commander leurs fleurs à des artisans du peuple.

Pendant la dynastie des Qing, porter des ronghua était déjà depuis longtemps une coutume populaire importante pour les femmes dans tout le pays lors des célébrations telles que la fête du Printemps, la fête des Bateaux-

Dragons et la fête de la Mi-automne. Pendant ces périodes, il y avait toujours un large éventail de magasins vendant toutes sortes d’ornements de type ronghua et d’objets artisanaux, certains artisans pouvaient même les fabriquer sur place selon la demande des clients. D’ailleurs, les ronghua étaient également essentiels pour les rituels importants de la vie, tels que le mariage. Les couronnes portées par les mariées étaient souvent fabriquées à partir de ces ornements, ce qui renforçait l’atmosphère festive tout en véhiculant de bons présages.

Ces objets artisanaux se présentent sous diverses formes : des fleurs, mais aussi des fruits, des animaux, etc. Les différents ronghua ont leur propre « langage », et diverses compositions peuvent être réalisées en guise de bon augure. Par exemple, du ruyi avec du wannianhong signifient en chinois que les bons jours dureront toujours. Un autre exemple est d’utiliser du lys, du lotus et du kaki et d’ajouter le caractère « 喜 » (« joie ») pour obtenir une composition qui symbolise l’arrivée d’une série de bonnes choses. Paraître avec des ronghua pendant les fêtes permettait donc de transmettre certains messages.

Selon de nombreux documents, la coutume de porter des ronghua était autrefois très populaire lors du Nouvel An chinois à Beijing. Les femmes, des plus jeunes aux plus âgées, en arboraient sur la tête en guise de bons présages. Dans les années 1980, les coiffures avec des ronghua étaient encore très courantes : pendant la fête, les petites fleurs rouges sur la tête des petites filles, les caractères chinois « 福 » (« bonheur ») et les papiers découpés collés sur les fenêtres dans la maison formaient ensemble une atmosphère joyeuse et propice. De nombreuses personnes se souviennent que, dans leur enfance, elles se rendaient aux foires avec les parents pour rendre un culte aux dieux, et qu’elles achetaient souvent un ronghua sur le chemin du retour, ce qui signifiait « rentrer à la maison avec des bénédictions ».

Renaissance grâce à la préservation du patrimoine

Avec l’évolution du mode de vie, cette coutume a progressivement disparu dans les années 1990. De ce fait, les ronghua en tant qu’artisanat n’ont finalement pas pu échapper au remodelage en raison de la demande du marché.

Cependant, les ronghua n’ont pas disparu de la vie des Chinois. Bien que leur rôle ne soit plus si important dans la vie quotidienne, de nombreux artisans ont franchi le pas et ont créé des œuvres d’art et des objets décoratifs innovants avec des ronghua, qui ont été intégrés à la vie moderne d’une nouvelle manière. En même temps, cela fait briller les compétences du tricotage de ronghua dans l’industrie des objets artisanaux. Des œuvres innovantes ont été vendues dans de nombreux pays du monde.

Depuis le début du XXIe siècle, l’art de la fabrication de ronghua a commencé à renaître dans le cadre de projets de conservation du patrimoine culturel immatériel dans toute la Chine. Il attire sans cesse de jeunes artisans qui participent à la diffusion de cet art culturel chinois unique dans le monde entier.

En tant que « fleurs d’honneur » sur le podium aux Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2022, les bouquets de ronghua ont perpétué la tradition des bouquets de fleurs lors des remises des prix, mais ont également offert une bénédiction « éternelle » aux médaillés grâce à cette technique unique, tout en incarnant le concept écologique de durabilité en matière d’organisation d’événements sportifs.

*ZHANG JINLING est chercheur à l’Institut d’études européennes relevant de l’Académie des sciences sociales de Chine, et secrétaire général du Centre de recherches sur le marxisme et la civilisation européenne.

chinatoday.com.cn


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