Le papier Xuan "Xuanzhi", le fin du fin en matière de papiers

2012-04-24

En 2008, en assistant à la retransmission de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Beijing, beaucoup furent impressionnés par la scène de déploiement d'un rouleau de papier.

Effectivement. Sur un fond de processus de fabrication du papier de Xuan, on a reproduit toute l'histoire de la grande civilisation chinoise. Dans la suite de notre émission, on vous expliquera comment ce papier si doux et léger qu'est le papier Xuan est parvenu à séduire les Chinois depuis plus de 1500 ans?

Aujourd'hui, nous allons partir à la découverte du papier Xuan, considéré comme le fin du fin en matière de papiers.

Le Jardin culturel du papier Xuan est le premier arrêt de notre voyage de découverte. Il se trouve dans le district Jingxian 泾县 de la province de l'Anhui 安徽 et couvre une superficie de 40 mus, (un mu fait 1/15 hectare). Un santal bleu se dresse au milieu du jardin.

Dès qu'on pénètre dans le jardin, notre attention est immédiatement accaparée par le vacarme ambiant. En effet, un peu plus loin, des personnes broient la paille de riz, matière brute principale pour la fabrication du papier. Du séchage au brossage en passant par le puisage, tout s'effectue manuellement dans ce jardin. Le puisage est une étape de la fabrication du papier qui consiste à récupérer la pâte à papier dans un bac avec un voile pour la faire sécher et lui donner la forme d'une feuille de papier.

Tout à fait. Un travail manuel, dur et fatiguant. Les ouvriers sont tous en sueur. Mais cela ne les empêche pas de faire preuve d'habileté et de professionnalisme. La vue de ce dur labeur ne peut nous laisser qu'admiratifs.

Naqeebulla Mal, notre collègue originaire d'Afghanistan s'est montré très intéressé par la scène. A tel point, qu'il a mis la main à la pâte et a fabriqué lui-même une feuille de papier. Très satisfait, Mal nous a confié ce qui suit : « Pour la première fois, j'ai fais moi-même du papier. C'est très intéressant. Ne vous laissez pas tromper par le puisage du papier. Bien que ça ne se fait qu'en quelques secondes. Ce n'est pas facile du tout. Les premières fois, comme j'ai mal réparti la force et positionné l'angle, les papiers étaient déchirés. Malgré tout, j'ai réussi. Cette expérience est très importante pour moi. J'ai expérimenté personnellement la vieille culture chinoise ».

La principale difficulté que notre collègue afghan a rencontrée fut l'étape du puisage. C'est l'une des 18 étapes de la fabrication du papier Xuan. Un procédé incontournable, qui demande en plus, une grande technicité.

Dans un atelier, notre correspondant a vu deux ouvriers en train de puiser le papier dans une cuve. Ils étaient face à face, sur les deux côtés de la cuve. Dans laquelle, ils tendaient sur le côté un voile, et la sortaient aussitôt après, une feuille est ainsi mise sur un feutre. L'ensemble du processus ne dure que quelques secondes. Le spectacle les a laissés sans voix.

Xing Chunyong 邢春荣 travaille dans la fabrication du papier Xuan depuis une quarantaine d'années. C'est donc un expert dans le métier. Il est à présent vice-président de la plus grande entreprise de production du papier Xuan. Il nous a confié que l'épaisseur d'une feuille de papier dépend entièrement de ce coup de puisage. L'angle, la vitesse et la hauteur, tout doit être pris en compte de manière précise : « Le papier Xuan regroupe de plusieurs centaines de types. Et tous ces types sont définis par le puisage. Ils sont différents au niveau de l'épaisseur, des veinures et du grammage. Le volume de pâte à papier à verser, la hauteur de l'eau, tout est strictement réglementé et les ouvriers doivent être très habiles. Une fois que le papier est fait, son élasticité affecte directement l'absorption de l'encre par le papier. »

Pour les peintres chinois, qui peignent à la chinoise, qui peignent les eaux et les montagnes, un papier doté d'une grande capacité d'absorption leur permet de rendre leurs œuvres plus subtiles, plus nuancés. C'est cette vertu qui a permis au papier Xuan de devenir le support favori des peintres et des calligraphes dès son invention.

Dans un magasin intitulé Si Bao Zhai四宝斋, « Pavillon des quatre trésors», c'est-à-dire, le papier, le pinceau, l'encre de Chine et la pierre à encre, notre correspondant a rencontré un passionné de la peinture et de la calligraphie du nom de Xing, originaire de Beijing. Il vient d'acheter son papier Xuan. On l'écoute tout de suite : « Un bon papier Xuan est déjà artistique par nature. Tout comme un bon pinceau, un bon stylo. Il facilite l'écriture. C'est le même raisonnement pour un papier. Le papier Xuan est divisé en deux catégories, le Sheng Xuan 生宣, le papier Xuan cru et le Shu Xuan 熟宣, le papier Xuan cuit. »

En effet, le Sheng Xuan est doté d'un fort pouvoir d'absorption. Dès qu'on laisse tomber une goutte d'encre de Chine sur le papier, celle-ci pénètre rapidement et se fond avec le support formant des motifs et des effets subtiles et inattendus.

Quant au Shu Xuan, le papier Xuan cuit, il a été travaillé de manière particulière. Le papier est relativement lourd, plus résistant aussi. Il permet surtout au peintre de mettre en relief son sujet et de rendre dynamique son œuvre.

Le papier Xuan remonte à la dynastie Tang, soit 618-907 après J.C. Les premières années de sa création, sa fabrication est restreinte au cercle familiale, ou tout au plus à l'échelle d'une petite fabrique, et cantonnée au district de Jingxian 泾县 et le Huizhou 徽州, la région environnante.

A la fin de la période des Song du Sud, il y a de cela plus de 700 ans, une famille du nom de Cao 曹 vint s'installer au village de Xiaoling 小岭, du district de Jinxian. Les Cao se sont attelés à la production du papier et sont parvenus à commercialiser leurs produits. C'est de cette façon que le papier Xuan s'est diffusé et a acquis une bonne réputation, et ce, jusqu'à nos jours.

C'est d'ailleurs pourquoi le village de Xiaoling est considéré comme le berceau du papier Xuan. C'est un village au paysage pittoresque. Il est entouré de hautes montagnes où les ruisseaux murmurent, les arbres sont verdoyants.

Huang Feisong 黄飞松, directeur adjoint de l'Institut de recherche du papier Xuan relevant du Groupe du papier Xuan de Chine, nous accompagne dans notre visite et nous confie que c'est dans ces montagnes où résident tout le secret de la production du papier Xuan. On écoute tout de suite Huang Feisong 黄飞松 s'exprimer au micro de RCI : « L'écorce du santal bleu est due au relief karstique de la région. La plupart des zones montagneuses du district de Jingxian sont clairement caractéristiques d'une région karstique. Les écorces produites dans la région sont très épaisses, et les pâtes à papier qui en sont issues sont très denses. En plus, ces écorces sont faciles à récolter. »

Huang Feisong nous parle aussi de la paille de riz, une autre matière première essentielle à la fabrication du papier Xuan. Elle doit en premier lieu croître sur des terres sablonneuses. C'est un facteur crucial qui a fait du district de Jingxian, la contrée natale du papier Xuan, insiste Huang.

Que ce soit les écorces du santal bleu ou la paille de riz, dès leur récolte, il faut commencer par les tremper dans de l'eau de source. Ils doivent ensuite passer par la cuisson à la vapeur, la sélection et le séchage.

Pour faire en sorte que chacune des écorces et la paille soient aussi blanches que du coton, aussi moelleuses que résistantes, elles doivent être exposées au soleil et à la pluie afin de blanchir naturellement. C'est ainsi qu'on obtient le matériau de base pour fabriquer le papier. Et ce n'est pas facile du tout. Car il faut dix mois pour accomplir tout le processus de transformation des matières.

Le papier Xuan, très exigent en terme de matériaux et de fabrication, ravit ses utilisateurs, peintres et calligraphes. Et ce n'est pas tout. Lorsqu'on en travaille les matériaux, on y ajoute de l'eau de chaux, ce qui dote le papier Xuan de la capacité de résister aux vers et aux moisissures.

C'est cette propriété qui a permis aux générations actuelles d'hériter de leurs ancêtres une quantité importante de patrimoines culturels : livres, peintures et calligraphies, documents historiques, et bien d'autres encore. En dépit du temps qui passe, la plupart d'entre eux sont dans un état aussi éclatant que les premiers jours. Tout cela on le doit à la grande résistance du papier Xuan.

Tout de suite le témoignage de Cao Guanghua 曹光华, vice président de l'Association des quatre trésors du lettré de Chine : « Le papier Xuan occupe une place très élevée parmi les quatre trésors du lettré. Il passe même avant les autres trésors car il porte en lui la culture chinoise. Si on n'avait pas eu de papier Xuan, on n'aurait peut-être pas pu préserver autant d'œuvres d'art et notre culture. »

Prenant en compte la spécificité de sa fabrication et sa valeur culturelle irremplaçable, en 2006, la technique de fabrication du papier Xuan fut inscrite sur la liste des patrimoines culturels immatériels au niveau national et depuis 2009, au niveau mondial.

Xing Chunyong, grand maître en théorie et en pratique du papier Xuan, a été ainsi désigné comme représentant de cette technique ancestrale. Ce qui l'inquiète, c'est le manque de successeurs du métier. Xing Chunyong 邢春荣 s'exprime au micro de RCI : « Pour la fabrication du papier Xuan, la division du travail est faite de manière très accrue. Une seule personne ne peut être en mesure d'en assurer la transmission et la pérennisation. En plus d'apprendre auprès d'un maître, l'apprenti doit être consciencieux et sensible. »

Et à Xing Chunyong de souligner qu'en ce qui concerne la technique ancestrale, l'exécution de toutes les étapes est difficile, voire pénible car tout est strictement réglementé. Aucune erreur n'est permise. Sinon, elle affecte la qualité de l'ensemble du produit. Tout cela fait que Xing Chunyong est peu optimiste en ce qui concerne la pérennisation de ce métier. Xing Chunrong: « De nos jours, les jeunes ne veulent plus faire ce genre de travail. Il nous est donc difficile de pérenniser la technique de fabrication du papier Xuan. »

Alors, pour sensibiliser davantage de jeunes à ce métier, les autorités du district de Jingxian ont pris une série de mesures concrètes, allant jusqu'à créer un cours de fabrication du papier Xuan dans des lycées professionnels. Un institut de calligraphie et de peinture sur papier Xuan est en cours de construction.

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